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Fiche technique

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- 27 au 29 juillet 2020 -

     Deux ans, cela fait deux ans que nous n’avons pas fait d’itinérance tous les deux. Une éternité. Il faut dire qu’avec l’arrivée de notre petit Victor nous avons été bien occupés et que le temps disponible en tête à tête a été réduit à néant. Nous confions donc notre chère tête blond à ses grands-parents pour trois jours afin de nous offrir trois jours d’errance en totale autonomie afin de traverser la Chartreuse du Nord, au Sud. De la fontaine des Eléphants à Chambéry, jusqu’à la Bastille à Grenoble. Une micro-adventure qui commence juste derrière notre porte, bien dans l’air du temps, celle de minimiser son impact en adoptant une approche neuve, décarbonée. Nous changeons donc d’approche pour reprendre le concept mis en avant pas l’ONG Mountain Wilderness, puisque nous devons revenir en train à notre domicile mercredi après une cavalcade de presque 70 kilomètres sur le dos de ce sphinx endormi.
L’objectif initial n’était pourtant pas celui là, mais la pandémie de la COVID-19 a quelque peu bousculé nos plans franco-italiens de tour du Bric froid à quelques encablures de Sestrières.
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     Sept heure en ce lundi matin, nous quittons notre appartement et dévalons les quais en direction du massif de la Chartreuse. Passage obligé dans un premier temps devant la fontaine des Quatre sans culs, symbole de notre belle ville de Chambéry, un salut au château des Ducs au travers de la rue de Boigne et nous prenons silencieusement la direction de l’ancienne caserne Curial. Le soleil illumine progressivement les façades colorées de l’ancienne capitale des États de Savoie.

Nous parcourons la ville à l’heure où les murmures l’éveille progressivement, la sortant de sa torpeur ouatée.

Progressivement nous nous extirpons de la ville. Cette désintoxication progressive de l’espace urbain a cela d’amusant qu’il nous permet de découvrir des coins méconnus de Chambéry et de prendre le temps sans se hâter de parcourir, de ressentir la cité. Cette dernière se fait progressivement buissonnière, puis complètement rurale au détour d’un virage. Les maisons cossues, presque bourgeoises des Charmettes, où vécu il y a quelques siècles Rousseau, cèdent progressivement la place aux prés, aux sous-bois et aux vieilles fermes restaurées avec un goût subtil de Chanaz.

Il est temps cependant de débuter les choses sérieuses en nous élevant quelques peu en direction de la Croix de la Coche où nous attend un beau belvédère sur le lac du Bourget. Nous quittons donc les chemins noirs si chers à Sylvain Tesson, pour des sentiers plus vallonnés. La pente n’est guère forte, mais nous prenons progressivement de l’altitude. La vue à travers les taillis devient à chaque pas un peu plus large. On se plaît à reconnaître des sommets familiers, à découvrir des points de vue ou des demeures remarquables, à discuter avec des résidents qui prennent la fraîcheur sur leur pas de porte. On prend le temps de savourer chaque instant. C’est aussi cela l’itinérance, l’art de s’imprégner des lieux.

A la pointe de la Lentille, nous rejoignons deux militaires du 7e BCA de Varces qui effectuent également la traversée, mais en deux jours seulement. Leur folle cavalcade doit les mener ce soir au chalet de l’Aulp du Seuil. Nous n’aurons de cesse le lendemain de nous féliciter de n’avoir pas fait le même choix de découpage de nos étapes, nous évitant une bombée interminable qui aurait transformé le plaisir en calvaire.

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Croix de la Coche (610 m)

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Chambéry, l'Epine et le lac du Bourget depuis les hauteurs de La Croix de la coche

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le granier (1933 m), sommet chambérien tutélaire

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mont joigny

1553 m - Vallée des Entremonts

A midi, notre arrivée à la pointe de la Gorgeat marque notre passage de la Chartreuse des villes, à celle des champs avec notre entrée dans la vallée des Entremonts. De là, nous pouvons embrasser une grande partie de notre itinéraire entre le Granier et la Dent de Crolles séparés par les Hauts-plateaux du massif.

Une bref incursion vers le sommet du mont Joigny et nous dévalons jusqu’au hameau de la Coche où nous nous ravitaillons en eau dans le torrent des Pins. La Chartreuse a cela de particulier qu’elle paraît déborder de luxuriance dans ses vallées et affiche un profil désertique sur ses hauteurs. Son relief karstique limite à seulement quelques sources, bien trop vite taries en été,  la possibilité de se ressourcer. Bien malheureux celui qui n’a pas été assez vigilant. La douce Chartreuse se révélera bien amère, au goût saumâtre de Ténéré.

Une longue traversée de la vallée, tantôt boisée, tantôt à courir les hameaux (Tencovaz, les Monts, la Reysse...) nous mène jusqu’au pied du col de l’Alpette. Nous découvrons au passage la petite station du Granier et ses trois téléskis, sauvée de la fermeture il y a de cela quelques hivers, par une poignée de bénévoles.

 

Nous achevons notre traversée de la vallée des Entremonts en arrivant au petit hameau de la Plagne où nous nous octroyons une petite pause rafraîchissante à l’auberge de l’Ours pour nous échapper quelques instants de cette chaleur accablante.

Alors que nous débutons notre ascension du col de l’Alpette, nous croisons un Belge qui redescend avec sa fille dans son porte-bébé. Nous échangeons quelques instants sur le plaisir de randonner avec ses enfants, mais également les efforts que cela nécessite de porter une lourde charge. Il nous explique qu’ils sont arrivés le samedi précédent et qu’ils reprennent avec plaisir la randonnée. Avec beaucoup d’humour, il nous explique qu’il a fait aujourd’hui en montant jusqu’au col plus de dénivelé que n’en compte la Belgique !

 

L’itinérance rend les rencontres fugaces, mais c’est ce qui les rend précieuses. On sait que l’on ne revoit jamais les gens, les discussions vont donc à l’essentiel, sans filtre, sans fioritures. On ne connaît jamais vraiment nos interlocuteurs, ou seulement une parcelle d’eux-mêmes. C’est ce qui rend les instants plus forts, plus intenses.

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Nous retrouvons nos deux militaires au col. Ils doivent encore parcourir un long itinéraire pour atteindre le lieu de bivouac qu’ils se sont fixés au chalet de l’Aulp du Seuil. De notre côté, nous faisons le plein d’eau avant de nous acheminer tranquillement jusqu’au chalet de l’Alpe. La gestion de nos réserves d’eau est déterminante dans la réussite de notre entreprise. Sans être le désert de Tabernas, la Chartreuse du fait de son relief karstique, n’offre que très peu de points d’eau sur ses hauts plateaux. Il faut donc redoubler de vigilance pour ne pas se retrouver en difficulté.

Pour installer notre bivouac nous choisissons de monter jusqu’à la Croix de l’Alpe afin de profiter du coucher de soleil sur les massifs du Mont-Blanc et de Belledonne. Au chalet, nous discutons quelques instants avec l’alpagiste. D’abord un peu bourru, ce dernier se déride alors que nous abordons son métier.

« Combien avez-vous de bêtes ?

- Moi, aucune. J’en garde 283 de tout type.

 

- Vous faites comment pour descendre le lait ?

 

- Ce sont que des bêtes à viande. Il y a des charolaises, des Salers, une Highland, quelques Tarines. J’ai aussi des moutons, mais avec les attaques du loups, on a été obligés de les redescendre.

 

- Elles montent jusqu’à la Croix ?

- Oh oui, elles sont chez elles ici. Elles vont partout, mais ne vous inquiétez pas elles ne vont pas vous embêter. »

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PURE EMOTION

- VALLEE DU GRESIVAUDAN-

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Nous montons rapidement jusqu’à la croix et plantons notre tente à proximité, face au mont-Blanc. Quel bonheur de savourer dans la douceur du soir un peu de repos après une journée qui s’est éternisée en longueur avec pas moins de 2400 m de dénivelé positif. C’est le cœur plein d’allégresse que nous allons ensuite nous coucher.

Vers 23h30, Recroquevillés dans nos sarcophages de plumes, nous sommes réveillés en sursaut par un meuglement retentissant. Le troupeau est remonté et une vache semble particulièrement agitée. Dans l’obscurité, elle n’a pas vu les fils qui soutiennent notre tente et a dû se prendre les pattes dans l’un d’entre eux. Nous prions pour qu’ils ne se mettent pas à charger. Heureusement, elle finit par se calmer et retourne vaquer à ses occupations. Notre nuit peut dès lors se poursuivre plus tranquillement.

Au petit matin, nous savourons un subtil petit-déjeuner en tête à tête avec les Belledonne. Notre étape du jour, doit nous mener jusqu’au Habert du Coq, au pied de la Dent de Crolles.

Après avoir replié rapidement tout notre bardât, nous sautillons de bornes frontières en bornes frontières. Quel amusement de parcourir sur quelques mètres cette frontière qui sépara la Savoie de la France durant de nombreux siècles. Puis, rapidement, les prés cèdent la place aux lapiaz. Il faut rester vigilant pour ne pas risquer de se tordre une cheville.

Le Pas de l’Echelle est rapidement atteint. On dégringole rapidement vers le vallon de Pratcel dominé par l’imposante Roche de Fita où débouche le fantastique itinéraire du sangle de Fouda Blanc.

Notre itinéraire se poursuit en direction du Habert des Dames qui est rapidement atteint, suivie du plateau de l’Aulp du Seuil. Nous prenons alors la mesure du chemin qu’il reste à parcourir à nos deux chasseurs alpins croisés la veille et que nous avions laissé au col de l’Alpette. Quand le plaisir laisse la place au dégoût… Cette vision nous vient alors à l’esprit.

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Alpette des Dames

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De notre côté, notre préoccupation reste de trouver de l’eau. Il fait très chaud, nos réserves sont encore suffisantes, mais nous ne voulons pas nous engager dans l’ascension du col de Bellefont dans l’incertitude. Les premières recherches se sont révélées infructueuses, les sources étant taries. Fort heureusement, l’eau coule encore au chalet de l’Aulp du Seuil.

Rassérénés, nous nous élançons dans cette montée sèche, nerveuse et sans répit. Il fait chaud… une fournaise intenable. Nous flirtons pourtant avec la barre des 2000, mais nous manquons d’air. La réverbération est intense sur les schistes et nous nous délitons à chaque pas, tout autant que cette roche friable. Suintant de tout notre être, nous nous accordons une pause salvatrice quelques instants pour savourer la légère brise se formant au niveau des cols.

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Lances de Bellefont (Chartreuse)

Lances, Dôme et col de Bellefont depuis le chaos

La Chartreuse est comme une marée montante figée dans la pierre, faite de sacs et de ressacs. Les plateaux constituent les poses longues et les cols, s’enchaînant de manière régulière du Nord au Sud, la crête des vagues.

Nous nous retrouvons donc dans le creux, pour retrouver ce lieu si singulier du chaos de Bellefont. Chaos rocheux aux figures ésotériques pétrifiées.

 

La dernière séquence de notre périple du jour, doit nous mener jusqu’au habert du Coq en passant par un sommet incontournable du massif, la dent de Crolles.

Lucile passe tous les jours à ses pieds pour se rendre au travail à Grenoble, pourtant elle n’en a jamais réalisé l’ascension. Un comble ! Pourtant, quelle belle manière d’honorer ce sommet que de le gravir lors de la traversée de son massif. On appréhende mieux sa mystique et la place centrale qu’il occupe en Chartreuse, mais aussi dans la vie des habitants du Grésivaudan et plus largement du bassin grenoblois. Il s’agit d’une « montagne-phare ». Une sentinelle vers laquelle s’élèvent les têtes, un repère intemporel. On y effectue ses premiers pas de montagnard, en redoutant parfois ses passages patinés par les ans dans le Pas de l’Oeille. Malgré les kilomètres qui défilent depuis l’aube, nous réalisons l’ascension rapidement. Seulement détourné quelques instants de notre objectif par les cabrioles esthétiques de quelques chamois.

Nous ne nous attardons guère au pied de la croix sommitale. Le ciel commence en effet à bourgeonner et nous ne pouvons nous permettre de laisser divaguer nos regards et nos esprits.

Benoît connaît trop bien la suite de l’itinéraire pour savoir qu’il serait malaisé pour nous avec des gros sacs, d’être pris par le mauvais temps dans la descente. Nous hâtons le pas. Déjà, la lame d’eau déferle sur la crête de Chamechaude. Pour nous, ce n’est qu’une question de temps… Pourtant… nous progressons et rien ne se passe. Nous atteignons le col des Ayes où une horde de moutons nous entoure. Nous sommes soulagés car notre lieu de bivouac est proche. Plus que quelques mètres après avoir atteint la route du col du Coq et nous plantons la tente pour un repos salvateur.

Il faudra être en forme demain, Grenoble et sa Bastille nous attendent au terme d’une nouvelle longue journée de marche.

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Panorama cartusien depuis la dent de crolles (2062 m)

Nous ne tardons guère pour nous mettre en route. Il faut en effet profiter de la relative douceur de la matinée pour accomplir le plus de chemin possible. L’itinéraire d’abord en forêt vers le col de la Faita, puis celui de l’Emeindras. Chamechaude, le toit du massif, se découpe au travers de la futaie. Nous n’avons cependant pas anticipé qu’il nous faudrait gravir en partie ses pentes. C’est raide, comme souvent en Chartreuse. Le souffle se fait de plus en plus court. La fin de la partie est sifflée au Habert de Chamechaude, à l’aplomb de la brèche Arnaud. Nous dégringolons alors jusqu’au Sappey où nous refaisons le plein d’eau. Le répit est cependant de courte durée. La pente reprend alors de plus belle pour se hisser sur l’épaule du Saint-Eynard, d’autant que la chaleur s’est installée.

Un soleil sadique nous assomme à chaque pas un peu plus et nous esquissons des entrechats d’une ombre à l’autre pour échapper à ses morsures.

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L’arrivée au fort marque le dernier sommet de notre périple. Nous décidons de prendre le temps et de nous faire un petit plaisir. Notre dernier pique-nique ira au diable, nous décidons de savourer le plus délicieux gratin dauphinois aux cèpes, qu’il nous a été donné l’occasion de déguster.

Après cette pause roborative, nous entamons notre « dévalade » jusque’au col de Vence. La chaleur urbaine étouffante de la cuvette grenobloise remonte jusque sur les pentes de ce col au nom si méridional, bien connu des cyclistes de Paris-Nice. Nous sommes pourtant bien toujours en Chartreuse !

Petit à petit la ville se fait plus présente. Le balisage siglé aux couleurs de la Métro, nous fait reprendre contact avec le monde urbain, à mesure que l’altitude du sentier décroit. L’arrivée au mont Jalla et ses 634 m, marque le point le plus méridionale de notre traversée de la Chartreuse, mais également du massif, aux saveurs déjà toute Méditerranéenne avec ses pistachiers térébinthes et ses genévriers.

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Un dernier regard vers le complexe fortifié de la Bastille et nous plongeons dans une course effrénée dans les escaliers menant au Jardin des Dauphins et à la Porte de France.

 

Notre retour en train vers Chambéry est l’occasion de se refaire le film de notre entreprise en revoyant défiler en sens inverse la crête cartusienne qui domine comme un fil d’Ariane le Grésivaudan… Saint-Eynard, dent de Crolles, dôme de Bellefont, Grand Manti, Granier… 

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GRENOBLE

- CAPITALE DES ALPES -

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