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     D’un bout à l’autre de la chaîne alpine, on croise des alpages verdoyants où l’on produit un or vert affiné avec passion, des citadelles de pierre rehaussées par des écrins de blancheurs sur fond d’azur ou encore des forêts millénaires indispensables à la vie de ces villages de cartes postales qui s’accrochent désespérément à la pente.

De la croûte dorée d’un Gruyère suisse, aux jouets en bois du Queyras, du granit le plus pur de Chamonix, au calcaire lunaire des Karwandel, en passant par le lourd drap de laine de Bonneval ou du Tyrol, notre rapport à l’alpe est pluriel, osmotique.

Parcourir les Alpes est donc une manière de ressentir cette culture alpine dont nous sommes à notre échelle, des éléments constitutifs. On se sent frères de cimes avec les Valdôtains, les Tyroliens, les Bavarois ou encore les Grisons.

Humer l’air des différentes vallées de la dorsale de l’Europe nous permet de ressentir toutes la diversité et les lignes de force de notre maison commune.

Après le Tyrol, les Dolomites, le Valais... nous faisons escale dans l’Engadine, cette belle vallée perchée aux confins de la Suisse. Pas pour les lumières de St-Moritz, dont le luxe tapageur ne nous attire guère, mais pour ses lumières patinées, sa neige si particulière, ses lacs figés dans les frimas de l’hiver, son légendaire chemin de fer rhétique... comprendre les Alpes pour mieux les apprécier et y retourner..

Carte localisation Engadine

C’EST où ?

 

Situé à l’Est de la Suisse, l’Engadine est une vallée du canton des Grisons où prend sa source l’Inn, cours d’eau qui traverse ensuite le Tyrol autrichien. Elle est encadrée par les Alpes rhétiques et doit sa renommée à ses lacs et à la station « star » de St-Moritz.

     Notre périple débute sur le quai de la gare de Zernez. Une neige sale recouvre sans prétention les abords de cette halte des chemins de fer rhétiques, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous devons rejoindre Maloja à     

l’autre extrémité de la vallée de l’Engadine que nous envisageons de traverser en cinq jours, en nous évadant dans ses vallées latérales sauvages pour complexifier ce trait de plume qui parait si évident.

Ah... notre rame arrive, nous sautons dedans plein d’entrain, impatients que nous sommes de débuter l’aventure mais également d’assister sur le petit écran de notre smartphone à la dernière de notre immense champion de biathlon Martin Fourcade. Les balles font tomber les cibles au fur et à mesure des tours, tout autant que notre réception qui se fait aléatoire au passage des nombreux tunnels nous emmenant vers St. Moritz. Qu’à cela ne tienne, nous assisterons tout de même au sacre sur la mass-start du plus grand sportif français aux jeux d’hiver !

L'étape du skieur !

Maloja

Kilomètre 0

     Le coeur plein d’allégresse nous arrivons par le car postal dans le hameau de Maloja. Nous tournons en rond en vain pour trouver des forfaits pendant une demi-heure, puis tant pis nous nous élançons vers le désert gelé. Délaissant temporairement le lac pris dans les glaces, nous arpentons les pentes du Val Forno afin de nous rendre au Lagh da Cavloc. Le site est encore très naturel. Après un petit pont la piste forestière se redresse fortement au milieu du mélézin, puis se rétrécit, laissant apparaître un vaste toboggan de glace à sa bordure. La chute sur cette neige verglacée à la descente aurait des conséquences fâcheuses pour la suite de notre itinérance. Heureusement, notre science de la glisse parfois défaillante, ne nous fera pas défaut.

Après le lac, nous décidons de pousser jusqu’à l’extrémité du vallon, dénommé Plan Canin. Le lieu est dominé par le Monte de Forno (3213 m) et au loin le Torrone (3331 m) marquant la frontière avec l’Italie.

Les effluves de la patrie de Dante nous paraissent d’ailleurs bien présentes dans cette vallée frontalière des Grisons, où la gastronomie et la langue romanche semblent mâtinées d’influences transalpines.

 

Après ce beau parcours champêtre, loin de la foule picaresque endimanchée assistant au traditionnel tournoi de polo sur neige de la station clinquante de la vallée, nous entamons notre descente endiablée vers la pièce d’eau de Maloja afin de tracer nos derniers kilomètres jusqu’à Plaun da Lej.

     Le deuxième jour de notre traversée est également la plus ardue. Au programme, quelques kilomètres d’échauffement pour rejoindre Sils avant d’arpenter les pentes du Val Fex.

C’est dans cette petite localité montagnarde que Nietzsche souffrant depuis longtemps de fortes migraines s’est établi de 1879 à 1888. Se sachant sensible aux effets du climat, il voyagea dans plusieurs régions de Suisse à la recherche du climat idéal.

 

Il décrit les lieux ainsi dans une lettre à sa soeur : « Je me trouve ici dans l’endroit qui est de loin le plus confortable au monde ; j’y éprouve une continuelle tranquillité et aucune pression ».

Il me semble avoir trouvé la terre promise.

Nietzsche

et l'Engadine

L'étape du skieur !

Dès le départ de Sils, nous attaquons dans le dur. Il nous faut nous hisser jusqu’à 2070 m d’altitude. Pas de temps mort ou de round d’observation. La déclivité est sèche, impitoyable pour le skieur. Débutant s’abstenir !

Heureusement, le cadre est enchanteur, alternant forêt de conifères, principalement des arolles et des mélèzes et petits hameaux au charme typiquement engadinois avec leurs façades colorées.

Ce tableau wibaulien ne serait pas parfait sans la prestance des sommets environnants, dominés par le piz Corvatsch (3451 m).

Après 2h30 d’ascension, nous atteignons l’Alp Muot Delvas où un ancien chalet d’alpage à été transformé en restauration d’altitude.

Ce fond de vallée très sauvage est différent de celui du Val Forno visité la veille. L’antropisation est plus marqué. En effet, les hommes sont montés jusqu’aux confins de la vallée pour exploiter les riches pâturages d’altitude.

Plaun da Lej et le Piz Materdell.

Le Val Fex.

Vue sur le vadret da Tremoggia et le Riz Tremoggia depuis Alp Muot Selvas

Le hameau de la Crasta et sa chapelle.

"Un voyage est un abrégé de la vie de lhomme"

Silvaplana

    Nous avalons notre casse-croûte et reprenons tambour battant la direction de la vallée. En effet, la journée va être encore longue avant d’atteindre Pontresina.

Pourtant, autant le retour depuis Plan Canin avait vite été avalé, autant ici il nous faut alterner entre longue descente et courtes remontées coupe jarret pour rejoindre le lac de Silvaplana à proximité du téléphérique de Furtschellas.

Du plat et encore du plat... la rengaine lacustre nous menant à St Moritz ne nous enchante guère. A la première occasion nous bifurquons en sous-bois pour retrouver un peu de vallonnement.

Pourtant, la Haute-Engadine, doit sa réputation à cette merveilleuse enfilade de quatre lacs dans lesquels se reflètent les mélèzes. Du sud-ouest au nord-est, on traverse ainsi en hiver le lac de Sils (lej da Segl), le lac de Silvaplana (lej da Silvaplauna), le lac de Champfèr (lej da Champfèr) et le lac de Saint-Moritz (lej da San Murezzan), tous situés à une altitude comprise entre 1801 m et 1775 m.

Grand Hôtel des Bains St. Moritz

Le Grand Hôtel des Bains de St. Moritz-Bad

" DANSE AUTOUR DE LA STAR..."

Puis après avoir longés temporairement le lac de Champfer, les premières bâtisses de la station star de l’Engadine apparaissent alors que nous rencontrons quelques vestiges du passé olympique de 1928 et 1948.

Le Grand Hôtel des bains et sont charme tout XIXe nous accueille. Malheureusement, rapidement on nous donne à voir le côté flétri de la pomme... barres d’immeubles sans âme, club Med d’inspiration hospitalière... Nous nous hâtons de quitter les lieux pour retrouver une quiétude plus conforme à nos yeux de contemplatifs. Petits lacs recouverts de neige et chalets posés au creux d’une combe nous satisfont davantage.

Nos corps fatigués par une si longue journée ne sont cependant pas encore au bout de leur peine. L’itinéraire emprunté par le marathon de l’Engadine joue alors aux montagnes russes avant de basculer dans un dernier soupire vers Pontresina sous les derniers rayons d’un soleil éclatant de gloire tout au long de nos plus de 36 kilomètres.

Silvaplanasee

L'étape du skieur !

UN JOUR EN OR

L'étape du skieur !

Magique ! Voilà comment on pourrait résumer en un mot ce jour.

Des panoramas XXL et un incroyable dénouement pour le relais mixte de biathlon qui vibre d’une manière particulière à nos coeurs de skieurs nordiques !

La journée débute par une douce remontée en direction de Morteratsch en longeant le cours de la Flax et parfois la ligne de chemin de fer menant au col de la Bernina. Après une heure de progression nous bifurquons en direction du glacier de Morteratsch. Les versants laissent progressivement apparaître un panorama somptueux. En face de nous se dressent le Piz Bernina, le 4000 le plus septentrional des Alpes et ses satellites grandioses : le Bellavista, le Morteratsch bien sûr et le somptueux Piz Palü, l’une des plus fantastiques arrête de neige de la chaîne alpine.

Le vallon de Morteratsch avec en fond la Bernina (4049 m).

Après quelques instants contemplatifs, nous repartons tout schuss jusqu’à la gare de Morteratsch. En 20 minutes nous avalons les près de trois kilomètres et les 200 m de dénivelé négatif en compagnie de skieurs d’alpin ayant réalisé un long hors-piste, depuis le sommet de la Diavolezza, sous la face du Palü.

 

De retour à Pontresina, nous célébrons le triomphe collectif de nos biathlètes, avant de repartir en direction d’une nouvelle vallée sauvage : le Val Roseg. La pente est moins forte que dans le Val Fex, mais continue jusqu’à Roseg, théâtre de l’écoulement des eaux de fonte du vadret da Tschierva, le glacier compris entre la Bernina et le Piz Roseg.

Une nouvelle fois, le cadre est enchanteur et grandiose. Lors de notre descente, nous croisons un petit troupeau de biches, nullement inquiétées par notre présence. Il faut dire que deux fondeurs, transis par un froid mordant, ne doivent pas représenter une menace bien grande !

Le Piz Bernina (4049 m)
Bolt est dans la place !
En route pour le Val Rose
Paysage depuis Roseg (1999 m)
Habitant des lieux...

Frozen games

     Étape courte que cette avant dernière journée de la Traversée de l’Engadine. Après deux jours à plus de 30 kilomètres, nous n’avons que 16 unités à nous mettre sous les spatules avant d’arriver à Zuoz. Qu’importe, nous prendrons le temps de partir à la découverte des villages de la vallée au charme si particulier avec leurs maisons typiques, ornées de sgraffites.

Cette technique de la griffure est originaire d’Italie («sgraffiare» signifie griffer en italien) et fut introduite au XVIe siècle par des travailleurs itinérants.

Après avoir quitté Pontresina, notre itinéraire rejoint à nouveau la vallée principale de l’Engadine. Le froid devient alors un peu plus intence. En effet, une légère brise glacée sévit sans contrainte dans cette vaste zone dégagée en faux plat descendant. Nos pommettes et nos doigts sont martyrisées avec délectation par Eole. Nous hâtons nos mouvements pour accélérer la cadence et échapper à la morsure du froid. A Chamues-ch, nous parvenons à lui échapper quelque peu en nous abritant du vent. Il ne nous reste alors plus que quelques kilomètres à faire avant d’atteindre Zuoz.

Le Grand Hotel Kronenhof

“Construit à la fin du XIXe s, en 1848, dans un style néo-baroque, le Grand Hotel Kronenhof est un palace 5 étoiles témoin des prémices du tourisme dans l'Engadine et plus généralement dans les Alpes. ” 

 

Une fois installé dans notre gasthaus, nous prenons le train pour St Moritz afin de découvrir la station huppée des Grisons. Une petite demi-heure après, nous mettons le pied sur le quai, toujours dans un froid glacial et montons en direction du centre. Nous croisons en premier lieu une multitude de boutiques de luxe puis notre premier palace, le Badrutt’s à l’architecture toute médiévale.

En fait, de ville il n’en est pas. St Moritz est davantage une accumulation d’espaces de shopping pour une petite minorité désireuse de montrer sa dernière fourrure acquise, qu’un village de charme comme peuvent l’être les autres membres du club prestigieux de Best of the Alps (Megève, Cortina, Kitzbühel...) ayant marqué la naissance du tourisme dans le massif alpin.

Nous cherchons en vain des chalets ou autre bâtiment XIXe au charme typique... Quelle déception. L’Engadine est une perle mais St. Moritz ne trouve guère grâce à nos yeux.

BADRUTT'S PALACE

St. Moritz

Top of the World

Maison de Zuoz

Maison de Zuoz

Détails de sgraffites

Détails de sgraffites

Lac chesas Planta

Lac chesas Planta

Hôtel Crusch Alva

Hôtel Crusch Alva

Zuoz et son clocher au crépuscule

Zuoz et son clocher au crépuscule

L'étape du skieur !

Engadin, art de vivre

Nous retournons donc rapidement à Zuoz qui à la différence est restée baigné d’une atmosphère toute engadinoise avec ses vastes demeures ornées de sgraffites et autres peintures comme l’hôtel Crusch Alva où nous dégusterons le soir quelques spécialités de la région comme les capuns. Il s’agit de tubes faits en pâte à spätzli et de petits bouts de salsiz, enveloppés d’une feuille de bette, et gratinés avec du fromage. Un vrai régal !

Capuns engadinois

L’ambiance est différente ce jour. La douce lueur de l’astre solaire a laissé la place à de gros nuages laissant timidement filtrer quelques rayons de ci, de là, alors que virevoltent dans l’air quelques flocons froids.

Nous rejoignons à pied le départ de la piste qui doit nous mener dans un premier temps à S-chanf.

L'étape du skieur !

Nous longeons d’abord l’Inn (En en romanche), qui a donné son nom à la vallée, en rive gauche. L’eau tente de se frayer un chemin au milieu d’amoncellements de glace, emportant par moment quelques blocs semblables à des icebergs miniatures vers un ailleurs. Le givre recouvre tout, hommes et bêtes, végétaux et minéraux, souffles et bruits, ouatés dans ce silence cristallin.

S-chanf

Notre arrivée à S-chanf marque la fin de l’itinéraire du marathon de l’Engadine qui accueillera dans quelques jours sa cinquantième édition. Depuis 1998, la course termine son parcours ici.

Chaque année 13 000 skieurs se défient entre Maloja et S-chanf sur un tracé de 42 kilomètres.

 

A partir de là, nous nous éloignons progressivement des habitations pour entrer dans un magnifique massif forestier composé de mélèzes, d’épicéas et des fameuses « reines des Alpes », le pin cembro qui fait la célébrité de la région. L’itinéraire y serpente dans un cadre très sauvage, traversant ravines et couloirs d’avalanches grâce à différents artifices du génie civil. On surmonte parfois la ligne de chemin de fer avant qu’elle ne se fasse engloutir par moult tunnels.

 

Puis c’est une descente endiablée jusqu’à Zernez qui met un point d’orgue à cette belle épopée au sein d’une terre à l’alchimie incroyable qui voit s’unir le doux parfum des arolles, la féérie d’une neige aussi légère que le souffle des anges et l’éther des cimes.

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