
Escapade au
Du 21 juillet au
11 août 2018

Tellakopf (2525 m)
△ Sesvenna, Sud-Tyrol - Italie
- Depuis Egghof (1720 m) -
Vendredi 3 août 2018
Fiche technique

Notre séjour dans le Vinschgau s’achevant, nous cherchions une dernière ascension pour profiter d’une vue dégagée sur les massifs englacés du Sud-Tyrol. Soucieux d’une empreinte environnementale minimaliste, nous recherchons un sommet rapidement accessible depuis Taufers. A force de fouiner, nous découvrons dans le classeur des idées de balades de notre logeuse, une petite randonnée sans prétention avec une jolie croix à l’orthodoxe dominant de 1500 m le village frontalier. Le Tellakopf offre également un parallélisme avec le Piz Chavalatch situé sur le versant opposé et un remarquable belvédère sur le Piz Sesvenna dont j’ai réalisé l’ascension la veille. En somme, un moyen parfait d’apporter une conclusion alpestre à notre « ring » autour de Taufers.

Le Munstertal

Nous prenons donc la direction des hauteurs du village afin de rejoindre Egghof (1720 m), une exploitation agricole accrochée à la pente, à quelques encablures du château dominant Taufers. La ferme est fidèle à la tradition tyrolienne, bardage en bois, balcons fleuris d’une multitude de géraniums, pâturages taillés au cordeau et soigneusement arrosés afin de rester bien verts. En effet, le Vinschgau est l’une des vallées les plus sèches des Alpes. Il y pleut aussi peu qu’en Sicile, permettant ainsi la production d’une multitude de fruits (pommes, fraises, abricots...) mais nécessitant un recours massif à l’irrigation.

Les exploitants pratiquent, comme tous leurs semblables dans la région, la polyactivité. La production laitière, comme emploi principal, ici l’élevage de chèvres dont ils vendent en direct les fromages, fait l’objet d’un complément de revenu en accueillant des touristes dans une partie des bâtiments transformée en Gasthaus ou en Ferienwohnung, petits logements saisonniers.

Dès le départ, la chaleur nous saisis une fois de plus. Nous sommes pourtant en altitude mais nous manquons d’air. Étrange sensation que celle de se sentir semblables à une pièce de viande en train de griller sur une plaque électrique. Les odeurs sèches de résineux sont les herbes sauvages indispensables pour rehausser la saveur du plat !
Nous suivons une piste carrossable qui serpente en forêt jusqu’à la limite des alpages les plus pentus. Après Tellaalm (2095 m), un chalet d’alpage cossu récemment rénové, servant de buvette aux randonneurs en goguette, le monde des hommes laisse la place à celui des bêtes. L’herbe se fait verte, grasse et abondante. Les vaches sont ici chez elles, l’homme ne fait qu’accompagner ce royaume. Pourtant, son action est indispensable afin d’éviter la fermeture des paysages. Bien naïf celui qui croit que cette carte postale à la Heidi est le seul fruit de Dame Nature. La montagne alpine telle que nous la connaissons a été façonnée, transformée, mise en valeur par l’homme et au profit de l’homme depuis des siècles, dans cette civilisation agro-sylvo-pastorale que certains voudraient chasser pour revenir à une prétendue montagne sauvage, le fameux wilderness anglo-saxon.
Tout au long de notre progression vers Tellajoch (2358 m) le tintinnabulement des sonnailles nous accompagne. Nous aimons tant cette montagne vivante, sans démesure, où l’on peut croiser simultanément une belle aux yeux doux et aux pis gonflés et un alpagiste désireux de faire partager les secrets de son métier.
C’est dans cette usine à fromages à ciel ouvert que nous déambulons avec aisance et allégresse, les sens en émoi. Prairies fleuries aux mille couleurs, odeur chaude typique des montagnes, ruisseau luxuriant qui chante entre les pierres.

Le sommet est là, tout proche après le col. Sa croix de bois à double traverse est à portée de main. Une crête herbeuse et 200 m de dénivelé nous séparent. On se hâte sans peine vers cet ailleurs où nous attend une nouvelle fois un paysage charmant (Ortler, Weisskugel, Sesvenna, Seebodenspitze...). Spectacle permanent dirons certains, rengaine assourdissante diront d’autres. Pour nous, chaque sommet est différent. Il a sa propre histoire à raconter. Bien que nous réalisions de nombreuses ascensions, l’émotion et le plaisir d’atteindre la cime, d’y être, de contempler le monde du dessus, sont toujours présents. Tableau de chasse ? Non, simplement le bonheur d’être là et d’avoir réalisé quelque chose, d’être un peu plus riche. En somme, un petit caillou de plus sous la chaussure...
