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un week-end à la dent d'oche

30 septembre / 1er octobre 2017

Circumambulation ochoise

 Chablais,  Haute-Savoie - France

- De Fétiuère au refuge de la Dent d’Oche via la pointe de Bénévent  - 
Jour 1

Samedi 30 septembre 2017

La Dent et le Château d’Oche depuis Vinzier

     La Dent d’Oche concentre tout ce que la montagne peut offrir de mieux. Un panorama somptueux sur les Alpes, des Ecrins au massif de la Jungfrau en passant par les Aravis, le mont-Blanc, le Grand Combin et les Dents du Midi. Un cadre bucolique au milieu des alpages jonchés de colchiques, où paissent paisiblement caprins et ovins qui n’ont pas encore opéré la démontagné (à la différence des bovins), des chalets d’alpage au bois patiné par le temps et des lacs au vert de jaspe.

Un itinéraire remarquable alternant entre passages aériens équipés de chaînes, cheminées ludiques et sentiers caillouteux parcourus par les bouquetins, seigneurs des lieux.

En pleine saison estivale, la foule des grands jours attirée par cette star du Chablais, peut rendre quelque peu pénible cette magnifique randonnée. A l’automne, la montagne est rendue aux locaux qui peuvent profiter en toute quiétude de la beauté austère du plus septentrional des sommets français de 2000 m.

 

     La Dent d’Oche est la montagne que tout bon Chablaisien cherche du regard au moins une fois par jour. Elle n’est peut-être pas l’étoile polaire mais son sommet fait office de repère rassurant pour ne pas dire sacré.

Certains comme Pierre Mercier, ancien restaurateur dans la région, y grimpent une vingtaine de fois par an. Comment dès lors aborder de manière originale une telle montagne, en la respectant et en prenant toute sa mesure tant du point de vue de sa naturalité, que symbolique pour ne pas dire spirituel ? Il m’est alors venu l’idée d’en faire l’approche à l’image des montagnes sacrées. Le Kailash du Chablais en quelque sorte.

En effet, pour les hindous, les jaïns, les bouddhistes ainsi que les bönpos, le mont Kailash correspond au mythique mont Meru considéré comme l'axe du monde. La circumambulation correspond donc à une manière de l’honorer, de le vénérer. De fait, il s’agit de l’un des pèlerinages les plus importants d’Asie.

Il fallait donc imaginer une Kora autour de la Dent d’Oche. Ne disposant pas de 18 jours, à l’image de celle du lac Namtso (Tibet), j’ai donc élaboré une valse à deux temps. La seule entorse à la tradition bouddhique nyingmapa : l’ascension de la cime sacrée…

     Le premier jour tel des amants qui se découvrent, nous avons rencontré, touché, effleuré la montagne de près et de loin. Partis de la Fétiuère (1206 m) au dessus de Bernex, nous atteignons rapidement les chalets d’Oche d’où part l’ascension finale vers le refuge et le sommet. Délaissant la belle, nous avons poursuivi notre chemin jusqu’aux Portes d’Oche et au lac de Darbon, pièce d’eau aux reflets émeraude manasarovien (le lac Manasarovar constitue avec le Kailash et le Thirtapuri l’un des trois lieux de la kora).

Nous poursuivons ensuite notre circumambulation vers le col de Floray et son arête. Le panorama, bien nuageux,  s’ouvre sur les dents du Midi plâtrées de neige et le massif du Mont-Blanc. Un long parcours de crête s’offre alors à nous. Après l’ascension express en aller-retour de la pointe de Bénévent (2069 m), nous poursuivons notre chevauchée en direction des chalets de Darbon où nous attend un petit cours d’histoire savoisienne professé par notre doyen Jean-Paul. Il nous faut alors remonter vers le col de la Case d’Oche au travers d’un beau vallon parcouru par de nombreuses chèvres au pied tout alpin. En guise de chörten pour nous accueillir, un ciel de plomb a recouvert le Léman augurant d’une rincée à venir.

"Alpages, moraines glaciaires, rochers, lacs... une grande diversité de milieux naturels caractérise la Dent d’Oche.

     Nous hâtons alors le pas afin de rejoindre les chalets d’Oche. Ploc, ploc, ploc… il nous faut enfiler nos vêtements de pluie car près de 500 m nous attendent pour rejoindre le refuge. D’autant, que sur la partie terminale se succèderont cheminées et autres passages équipés après le col de Rebollion (1925 m). Heureusement, les chevaux du vent (drapeaux de prières) ont porté nos prières météorologiques vers les dieux afin de nous permettre d’atteindre la cabane sereinement avec seulement une légère bruine humidifiant légèrement nos pèlerines. Durant la nuit, il en sera tout autre…

 

 

La bâtisse du Club alpin, date d’avant 1914. Elle fut reconstruite en 1939 mais reste rustique. Cette année, les souris sont particulièrement actives et leurs pas feutrés se feront entendre toute la nuit par certains séjournants. Pour notre part, le groupe a globalement passé une bonne nuit repensant certainement à la première ascension de la canine par l’anglais Sir John Romilly en 1781.

Dent d'Oche(2222 m)

    △ Chablais, Haute-Savoie

- traversée Ouest/Est et boucle de Trepertuis - 
Jour 2

Dimanche 1er octobre 2017

     Après une nuit pluvieuse, le froid du matin nous a vivifiés autant qu’il nous a fait plaisir. Quelques sommets se lovent encore de-ci, de-là dans les nuages mais le mont-Blanc, lui, apparait à l’angle du refuge, majestueux, impérieux, dominant les Alpes de toute sa prestance et de sa blancheur naturelle. Irisé du soleil du matin. De part et d’autre de sa croupe altière, se dressent des satellites plus où moins grands, plus ou moins loin. Seul le Grand Combin et ses chevaliers servants semblent pouvoir supporter la comparaison.

De l’autre côté du refuge, nous semblons tomber dans la masse sombre du Léman encore empêtrée dans les brumes nocturnes d’humidité. Le regard est à peine arrêté par les rondeurs jurassiennes. Le temps de la contemplation doit cependant être rapide car nous devons nous préparer pour une deuxième longue journée de Kora.

L’itinéraire s’élève au dessus du refuge dans un lapiaz incliné puis rejoint une dalle patinée, pourvue d’une chaîne. On débouche alors sur l’arête sommitale où l’attention doit être vive de part son exposition. Une croix dominant le refuge de 100 m environ, nous fait prendre pleinement conscience de sa position en nid d’aigle au dessus du bassin lémanique. Après quelques photos, nous poursuivons jusqu’au sommet marqué par un cairn. La vue y est extraordinaire : lac Léman, tours d’Aï, Moléson, trilogie bernoise (Eiger, Mönch et Jungfrau), Diablerets, Grammont, Jumelles, Grand Combin, Dents du Midi…

Pour le randonneur, s’offre alors un choix à opérer. Redescendre par le même itinéraire ou prendre l’option de la traversée par l’Est. Nous optons bien évidemment pour cette seconde solution qui est beaucoup plus esthétique, ne présente pas véritablement de difficulté et se révèle très esthétique et bien moins glissante que sa grande soeur de part son exposition aux premiers rayons du matin. Le tout au milieu du domaine de la verticalité dont les nombreux bouquetins ont fait leur royaume. 

 

Après une première partie d’étape très minérale, nous débouchons au col de Planchamp marquant le haut du vallon d’Oche. Nous poursuivons par le tour de la Dent qui propulse le randonneur vers des horizons beaucoup plus lumineux. Halte à la monochromie, place au kaléidoscope joyeux des vallons d’Ocre et de Neuteu.

Nous reprenons donc le chemin des Portes d’Oche et du lac de Darbon. Arrivés au col de Pavis (1944 m) nous observons pendant notre déjeuner le jeu dangereux des bouquetins qui par dizaines virevoltent d’une vire à l’autre sans autre souci de la pesanteur.

Alors que nous rejoignons le hameau d’alpage de Neuteu, la brume s’effiloche, s’insinue, se faufile au milieu des houppiers jusqu’à se répandre totalement dans le vallon. Débute alors une longue traversée au milieu des futaies dans le Mordor tolkienien afin de rejoindre la crête du col de Trepertuis. Un rayon lumineux laisse parfois apparaitre la silhouette des cimes au travers de cette fourrure d’argent jetée sur les épaules du relief.

 

 

Une si longue épopée a cependant laissée des traces. Le groupe nous semble fatigué. Au lieu de remonter au col de Rebollion, nous décidons donc de passer par la forêt. Mal nous en pris, la démontagné accompagnée par le mauvais temps de ces derniers jours, a transformé les lieux en une vaste fondrière où l’on patine et s’embourbe.

Peut-être est-ce l’ultime étape initiatique de la Kora, où comme tout pèlerin nous sommes censés subir une mort symbolique avant d’atteindre le seuil d’une nouvelle vie… ressourcés par l’immensité de la montagne.

"Celui qui va lentement, arrivera rapidement."

Milarepa

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