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PIQUE d'Estats (3143 m), Pic Verdeguer (3131 m) et Montcalm (3077 m)

    △ Montcalm, Ariège - france / ESPAGNE

- par l’étang de Montcalm et le col de Riufret -

Mardi 31 octobre et mercredi 1er novembre 2017

Fiche technique

Croix de la Pica d'Estats
SUGGESTION D’ACCOMPAGNEMENT SONORE :

I Muvrini – Pè Rompe un Core (Luciole – 2017)
Groupe corse fondé dans les années 1970 qui est connu pour ses chants contestataires et ses prises de position pour la défense de l’environnement.

     Près d’un an après avoir exploré le somptueux vallon des étangs Fourcat, nimbé des couleurs d’automne, nous reprenons notre bourdon de pèlerin des cimes pour réaliser l’ascension de la trilogie ariégeoise des « 3000 ».

Pic rouge de Bassies
Pic rouge de Bassies
Pic de Sotllo
Etang Sord (Ariège)

Pique Rouge de Bassiès (2676 m)

Au loin le Pic du Port de Sullo

     Nous prenons la route de l’Ariège vers 8h en quittant notre port d’escale narbonnais. L’Ariège, c’est beau, mais c’est loin comme dirait l’autre. Les kilomètres défilent sur l’asphalte et il nous faut près de 2h30 pour rejoindre le petit parking de l’Artigue (1205 m) à proximité de l’une des nombreuses usines hydroélectriques d’Auzat.

L’air est frais alors que le soleil tarde à dissiper l’ombre du matin au travers des futaies. Malgré le poids imposant de nos sacs, nous partons d’un pas léger bien décidés à explorer ce fabuleux massif du Montcalm. Lucile l’a parcouru avec ses parents il y a près de 17 ans et n’a eu de cesse d’évoquer cette ascension où elle avait rencontré au refuge un majestueux bouvier bernois prénommé Névé. Un moment d’éternité figé sur papier glacé et qui trône négligemment sur le piano du salon de la demeure familiale.

 

Durant une heure, la pente se fait douce. La canopée ne laisse que très peu filtrer la lumière. Nous accueillons donc avec joie notre sortie de la forêt de Fontanal vers 1600 m. Jusqu’à présent la visibilité a de fait été très limitée et nous sommes ravis d’apercevoir pour la première fois le vallon de l’Artigue dominé par l’imposant Pique Rouge de Bassiès (2676 m) dont les pentes sont parcourues par un sentier qui serpente abruptement.

Afin de réaliser une boucle - nous évitons le plus possible d’emprunter le même itinéraire dans nos sorties - nous prenons la direction de l’étang Sourd peu après l’ors de Pla Nouzere. Peu avant notre arrivée à la pièce d’eau nous croisons les deux seuls randonneurs du jour. Les jours autour de la Toussaint sont en cela remarquables car vous avez l’impression que la montagne vous appartient.

Le lac Sourd est certes d’une taille modeste, mais il offre à notre oeil attentif un bel éventail des couleurs de miel de l’automne, du vert de jaspe de son eau, au jaune or-paille des herbes d’alpages. Les pentes se couvrent également de fils d’argent que laisse la morsure du froid sur les ruissellements.

 

Une petite heure après, nous atteignons le refuge du Pinet (2224 m). Ce dernier a déjà pris ses habits d’hiver et il n’y a pas âme qui vive. Il semble être un verseau spatial qui aurait atterri à proximité d’un petit étang à l’ombre du Guins de Temps (2631 m).

 

     S’installer dans un refuge d’hiver c’est comme s’isoler dans une cabane au fond des bois pour prendre du recul, profiter de la profondeur de la nature, de son silence assourdissant afin de se retrouver. De ressourcer l’âme. Ici, tout a plus de saveur, de valeur. La quiétude n’est troublée que par le rythme lent, déconnecté, de la montagne qui peu à peu revêt son long manteau d’hiver. 

Vers six heure, nous sortons pour contempler le jour qui se meurt sous un ciel cyanosé. Les lumières s’éteignent une à une sur les chandelles de l’horizon avec cette torpeur mélancolique de l’automne. Chut... le campagnol fait entendre sa mélodie en musardant le long des murs de pierre patinés, à la recherche de quelque nourriture... Dans la nuit sombre, la lune danse sur les remous scintillants de l’étang du Pinet. Le monde s’endort à nos pieds…

     Après une bonne nuit de sommeil, nous nous réveillons. L’air est cristallin, limpide. Une belle journée en montagne s’offre à nous. Nous élançons donc en direction des cimes tant désirées en nous élevant lentement au dessus du refuge dont la tour de garde veille sur nous.

C’est alors que nous voyons surgir à la gauche de la cabane, deux randonneurs. Ils ont du partir à l’aurore pour atteindre le Pinet vers 8h30. Après un rapide coup d’oeil dans leur direction, nous poursuivons notre chemin via l’étang d’Estats. Il faut rester vigilant afin de ne pas se faire surprendre par la glace vicieuse qui surprend le marcheur par surprise sous la couche fine de graviers. Un accident est si vite arrivée en montagne… Peu avant le laquet, une plaque commémorative nous rappelle cette triste réalité et nous renvoie à notre condition de mortel. Il y a deux ans, un skieur de randonnée a été victime d’une avalanche à ce même endroit. Le coeur s’étreint à sa seule pensée. La montagne a cela de remarquable qu’elle réunie au sein d’une même famille d’esprit anonymes et familiers.

Refuge et étang du Pinet (Ariège)
Refuge du Pinet (Ariège)
Lever de soleil dans le vallon du Pinet (Ariège)
L'automne en Ariège
L'automne en Ariège

L’étang d'Estats

     Puis c’est au tour de l’étang du Montcalm d’apprécier notre visite. Nous nous amusons à jeter quelques pierres sur sa surface en totalité gelée. Ces dernières ne percent pas la couche de glace et s’en vont glisser jusqu’au centre de la surface lacustre en poussant une mélopée féérique sous l’oeil bienveillant du Pic du Montcalm. En effet, pour la première fois nous apercevons sa silhouette massive saupoudrée des premières neiges de l’automne.

Il faut s’élever en sa direction en prenant soin de ne pas glisser sur cette patinoire morcelée. Hop, on saute sur une vaste dalle, puis sur une autre. La partie se complexifie, sans véritablement devoir compliquée. Vers 2600 m, la neige devient de plus en plus présente. Nous ne la quitterons qu’au col de Riufret (2980 m). Le versant catalan est totalement dépourvu de neige. Il ne reste alors plus qu’à atteindre le sommet du Montcalm (3077 m) à l’aide d’un sentier caillouteux bien marqué. Arrivés sur le dos du dinosaure nous contemplons les sommets en cherchant en vain le Pic de l’étang Fourcat que nous avions visité l’année passée. Dans notre dos, la Pique d’Estats et l’Aneto avec son glacier. Un petit abris de pierres permet à ceux qui le souhaite un bivouac sous les étoiles. A cette saison, cela aurait été complexe pour nous…

Puis nous poursuivons avec précaution sur la petite sente neigeuse en direction du toit du massif.

 

     La Pique d’Estats, le plus haut sommet de l’Ariège et de la Catalogne. Alors que nous atteignons sa cime altière, la mélodie de « Els Segadors », l’hymne catalan résonne symboliquement dans l’atmosphère alors que la province se déchire autour de la question de son indépendance et que le président destitué de la Generalitat de Catalunya, Carles Puigdemont, est en cavale. La croix sommitale est drapée de l’Estelada, marque de revendication d’indépendance, mais également de diverses drapeaux de prière et tissus en tout genre.

Alors que nous avons réalisé l’ascension presque seuls, des randonneurs catalans en nombre semblent sortir de derrière les pierres ! Adieu quiétude…

Cela ne nous empêche pas de profiter pleinement du spectacle somptueux sur la chaîne pyrénéenne. Quel dommage cependant que la cime est été massacrée par des personnes indélicates qui n’ont rien trouvé de mieux que de couler du béton afin de celer des plaques commémoratives… Nous n’avons décidément pas tous la même conception de la naturalité…

Lucile se remémore ses souvenirs et l’effroi qui avait été le sien face au vide abyssal qui l’entourait. Dix-sept ans après, le sentiment est bien différent. L’enfance est passée et la poésie de l’altitude a pris la place de la peur du noir…

 

Après ce moment contemplatif, nous amorçons la longue descente jusqu’au fond de la vallée que nous achèverons à la frontale. Les jours d’automne sont plus intenses mais plus courts…

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