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JOUR 1     12.04.18

Monreale - Palerme

     A première vue la Méditerranée n’est pas le premier choix concernant l’organisation de nos vacances. Pourtant, a y regarder de plus près, au Printemps, elle offre un terrain de jeu qui ne peut se refuser au sortir d’un long et bel hiver neigeux.

Les randonnées peuvent s’y dérouler relativement tôt dans la saison et dans des paysages enchanteurs.

 

La Sicile présente l’intérêt d’offrir des itinéraires décalés avec ses nombreux volcans en activité, ainsi qu’une grande richesse historique fruit d’un heureux mélange culturel au cours du temps (fondation de cités grecques, héritage arabe, syncrétisme normand...).

 

Ni une, ni deux nous dégainons la carte bleue dès la mise en ligne des vols à destination de Palerme d’une célèbre compagnie low-cost et échafaudons un itinéraire dopé à l’énergie volcanique. Trois impératifs : découvrir les 3 volcans encore actifs de cette partie de la Méditerranée : Vulcano, Stromboli et Etna.

A cette période de l’année, la foule et la chaleur ne sont pas encore trop présentes et cela constitue un élément clé dans notre choix. Fuir le tourisme de masse est l’une de nos priorités. La disneylandisation de la planète, fort peu pour nous.

Cathédrale de Montreale (Sicile)
Cathédrale de Montreale (Sicile)
Christ panthocrator de la cathédrale de Montreale (Sicile)
Cathédrale de Montreale (Sicile)

Christ pantocrator (cathédrale de Montreale, Sicile)

Plafond de la cathédrale de Montreale (Sicile)
Mosaïque de l'ancien testament
Cloître de Montreale (Sicile)
Cathédrale de Montreale (Sicile)

     La Sicile. Que de clichés qui vous reviennent en tête, plus où moins mêlées à des perceptions cinématographiques, du parrain, en passant par Ingrid Bergman dans le film le Stromboli. C’est aussi l’esprit « Sud », celui de la loi et son interprétation, de la non contrainte, de la liberté individuelle et des intérêts claniques. En arrivant sur cette île du sud de la Méditerranée nous souhaitions laisser de côté ses pensées parasites et découvrir par nous même l’âme sicilienne.

Nous reviens alors à la tête un air entraînant de la BO du film Tous les soleils (2011) de Philippe Claudel qui colle particulièrement à l’ambiance locale faite de beaucoup (trop ?) de dynamisme, de joie de vivre et de couleurs.

Après à peine deux heures d’avion depuis Genève, nous décidons de mettre le cap sur l’un des monuments emblématiques de la région : la cathédrale normano-arabo-byzantine de Monreale à la périphérie de Palerme. L’édifice constitue la synthèse des trois cultures présentes au XIIe s du temps de la dynastie normande des Hauteville. La richesse de ses somptueuses mosaïques byzantines ont contribué à son classement en 2015 au patrimoine mondial de l’UNESCO au même titre que la cathédrale de Cefalù et certains monuments de Palerme.

 

Avant d’atteindre le mont royal, il nous faut nous frayer un chemin à travers l’inextricable et invraisemblable circulation de la capitale sicilienne. Âmes sensibles s’abstenir ! Le code de la route a certainement été inventé par un Nordiste doit penser le Sicilien. On force, on double à droite, à gauche, les deux roues serpentent et remontent entre les rangées de voiture, la chaussée est transformée en zone de stationnement, on s’invente une troisième voie pour dépasser… Anarchique est certainement encore un adjectif trop timoré pour décrire la situation. Il faut le voir (le vivre ?) pour le croire. Le tout en jonglant entre les amoncellements sans fin d’ordures… Rapidement, on a le coeur au bord des lèvres.

 

Derrière la façade presque austère de la cathédrale, la nef se révèle être un écrin. On a presque l’impression de pénétrer à l’intérieur d’un reliquaire. Le Christ dominant le choeur, vous regarde d’un air sévère, rappelant que l’on ne marque qu’un court passage sur notre bonne vieille terre. Au travers de cette somptueuse mosaïque, l’Eglise affirme toute sa puissance et sa prégnance sur la société puisqu’elle est l’alpha et l’oméga. Le croyant est encadré du berceau, au tombeau. Nul ne peut lui échapper dans ces siècles de peur.

 

La fin de la journée est consacrée à la découverte de Palerme. Chaotique, labyrinthique, sale : notre sentiment à l’encontre de la cité sicilienne n’est pas des plus mélioratif. On a même parfois la sensation de ne pas toujours être en sécurité comme dans ces mauvais films où la mafia règne en maître. Ici, chacun interprète la loi à sa convenance. Un petit ventru aux traits burinés par le soleil, s’est arrogé une placette devant une église dans le centre de la cité. Il en fait payer les places de parking au détriment de la collectivité. Peut-être a-t-il sciemment dégradé l’horodateur pour le rendre inapte…

 

Pourtant, la ville recèle nombre d’atouts. Partout affleure son histoire multiculturelle : la Palerme aux 300 mosquées, aux 158 églises aux palais baroques fastueux, cette Palerme resplendissant jadis de coupoles, d’icônes byzantines, de patios ombragés, de coupoles se dressant fièrement comme un cantique au Ciel. L’ensemble reste malheureusement encore en trop mauvais état, victime de la sécheresse des finances publiques qui ici, comme en France, peinent à innerver convenablement le puits patrimonial sans fond.

JOUR 2     13.04.18

Palerme - Milazzo - Vulcano

« Tout est jaune autour de moi. [...]. Remonté au sommet du cône, j’aperçois toutes les Lipari égrenées sur les flots. Là-bas, en face, se dresse le Stromboli. »                               Guy de Maupassant

     Au petit matin, nous avons repris notre carrosse. Direction Milazzo par l’A20 où nous devons nous engouffrer sur un ferry direction Vulcano et Stromboli pour deux jours de randonnées « îoliennes ». L’asphalte défile pendant près de 200 km sans encombre, secoué cependant par intermittence par les cahin-caha de la route, alternant paysages lacustres, ravines, maquis,  montagnes arides… On regarde, on absorbe, on ingurgite, on s’imprègne de l’esprit des lieux sans oser déranger. En simple spectateur, comme l’enfant qui n’ose entrer que sur la pointe des pieds dans un lieu défendu.

 

Et puis enfin, Milazzo. La mer, bleue, étincelante. Immense, infinie devant nous. Elle nous attend, nous appelle. Depuis notre séjour norvégien à bord de l’Hurtigruten, nous avons appris à la connaître et à l’apprécier. Comme un chemin de traverse pour atteindre un ailleurs, une montagne décalée.

La foule grouille sur le quai dans un brouhaha informe et indigeste. Benoît avec le temps devient agoraphobe. Il ne supporte plus les lieux surfréquentés comme en compte bon nombre le tourisme-monde. C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons décidé de venir hors-saison en Sicile.

Après un bon quart d’heure à attendre, nous prenons place à bord d’un hydrofoil. La compagnie qui dessert de manière régulière les îles Éoliennes a investi massivement dans ce type de navire afin d’offrir des liaisons rapides. En une heure nous débarquons sur Vulcano.

L’île est désertique et presque déserte. Seulement quelques touristes décident de fair escale pour la nuit. Au dessus du port, en sentinelles, les fumerolles du volcan montent la garde et regardent d’un air altier les arrivants.

Plantes grasses (Vulcano)
Lîle de Vulcano (îles éoliennes)
Plantes grasses (Vulcano)
Plantes grasses (Vulcano)
Plantes grasses (Vulcano)

Une fleur de souffre, d'un jaune aveuglant, d'un jaune affolant"

Guy de Maupassant, 1885

Après une courte pause dans notre hébergement, nous prenons la direction de la fossa di Vulcano (391 m), l’un des trois volcans de l’île, mais le seul encore actif. Nous remontons dans un premier temps la route reliant Porto di Levante à Gelso avant de bifurquer à gauche sur un sentier caillouteux et jonché de poussière volcanique. Quelques blocs éparses de basalte rappellent également qu’en d’autres temps l’île était soumise à de violentes projections de blocs lors des poussées éruptives. La dernière éruption remonte à 1886 et dura trois ans. Elle se déroula peu de temps après la visite de l’illustre écrivain Guy de Maupassant.

Nous remontons calmement mais avec entrain, les pentes douces et sombres de la bête. Quelques badauds viennent s’initier comme nous, aux grands mystères de la Terre. Et puis soudain, avec parcimonie, de manière impromptue, puis beaucoup plus brutalement, les premières bouffées de gaz sulfureux inondent nos narines avec leur cortège pestilentiel d’oeufs pourris. Cela pique la gorge à en tousser. La description qu’en faisait Maupassant correspond bien à l’ambiance, « une fleur de souffre ». Les Romains croyaient que le volcan était la cheminée de la forge de Vulcain !

Le sommet, étendue désolée de cailloux brun rouge autour du cratère principal d’une cinquantaine de mètres de profondeur, est marqué sur notre gauche par des volutes de vapeur qui s’échappent en sifflant vers l’azur. Ces fumerolles sont dues au refroidissement du magma dans les entrailles de la bête.

Au XIXe s comme l’explique si bien Maupassant dans La vie errante (1890), l’économie de l’île reposait sur les mines de souffre et l’exploitation des dérivés volcaniques si recherchés pour teindre le textile.

 

Après avoir contemplé quelques instants ce spectacle démoniaque, nous entreprenons de grimper jusqu’à la partie la plus élevée du cratère. Nous profitons ainsi de la vue dégagée sur l’archipel des Eoliennes. Face à nous, à quelques encablures, Lipari, puis Panarea, Salina et au loin, s’extirpant à peine des brumes de chaleur, Stromboli, le phare de la Méditerranée, qui nous attend demain.

     Nous quittons l'île de Vulcano de bon matin pour appareiller en direction du volcan le plus actif d’Europe, le Stromboli et ses projections de lave spectaculaires. Nous longeons d’abord les côtes de Lipari, puis réalisons une courte halte à Salina avant de croiser au large de Panarea. Il nous faut près de deux heures de navigation par une mer sans doute assez calme, pour prendre pied sur le rocher volcanique. Notre première impression est féérique, une mer bleu cobalt, nous entoure agrémentée d’une légère brise iodée venant nous oxygéner alors que nous nous promenons sur les célèbres plages de sable noir.

Le village est vite parcouru. Il se love avec élégance le long de la base de son inquiétant voisin. Ce dernier s’élève du fond de la mer, à 1476 m en contrebas. Il est semblable à un volcan dessiné par un enfant. Vaste pyramide fumante et menaçante, émergeant d’une brume bleue.

Cette carte postale est pourtant trompeuse. La vie est rude ici. En effet, l’île est dépendante de l’approvisionnement par bateau, à la fois en nourriture et en eau. Jusqu’en 2004, le village de Ginostas, au sud-ouest de l’île, ne disposait pas de l’électricité. En cas de mauvais temps, les habitants sont totalement isolés, les liaisons maritimes étant annulées.

JOUR 3     14.04.18

Vulcano - Stromboli

Plantes grasses (Vulcano)

L’ascension du Stromboli et ses jets quasi constants de magma liquide, est l’un de nos grands objectifs du séjour. Nous avons donc anticipé notre venue en réservant auprès des guides de  Magma trek. En effet, au delà de 400 m d’altitude, le recours à un guide est obligatoire pour des raisons de sécurité. Malheureusement, lors du départ prévu à 15h30 l’agence nous annonce qu’ils ne monteront pas ce soir, car des vents violents sont annoncés. Le risque est donc que l’on ne puisse rien voir et que l’on avale du sable par pelletés… nous sommes dépités, abattus… L’espoir faisant toujours vivre, sous nous rabattons sur le bureau des guides voisin histoire de voir s’ils appliquent la même politique. Oh surprise, ils nous annoncent qu’ils vont monter mais une heure plus tard !

A 16h30,  nous récupérons nos casques et des lunettes de protection (contre le sable !) et nous voilà en route avec un guide originaire de Cunéo dans le Piémont, fort sympathique. Avec nous, deux Sud-tyroliens et une allemande. Nous nous faufilons dans une petite rue le long de l’église San-Vincenzo à destination du pied du volcan.

Petit à petit, nous prenons de l’altitude. En premier lieu, nous avons tout loisir d’observer le village et ses maisons d’une blancheur immaculée qui ne sont pas sans rappeler les Cyclades grecques, contrastant avec le bleu de la Méditerranée. Puis c’est l’île de Strombolicchio, petite îlot gros comme un rocher, à quelques jets de pierres de Stromboli qui capte nos regards. Il s’agit d’un neck à savoir la portion interne solidifiée d’un ancien édifice volcanique qui s’est ensuite lentement érodé par l’action des agents exogènes.

 

Jusqu’à 500m, nous sommes accompagnés par une végétation luxuriante typiquement méditerranéenne, genêts, fougères, roseaux, figuiers... Puis subitement, le règne minéral s’impose. Aride, acide, noir et sans vie. Fait de rocs et de sables. Le basalte est ici partout. Le sentier serpente alors au milieu de champs stériles de grains plus ou moins fins. Les différentes strates du volcan apparaissent alors, fruits de ses éruptions successives.

 

Un dernier effort et nous atteignons le sommet d’Iddu, à 924m au dessus des flots. C’est là qu’Eole a établi sa demeure et où dans l’Odyssée, il vient en aide à Ulysse avant son premier naufrage, pour qu’il puisse rejoindre Ithaque. Pour nous, point de vents tumultueux et contraires.

Un spectacle pyrotechnique féérique nous attend pendant près d’une heure et demi. A 200m de nos yeux écarquillés, soudainement le volcan explose dans un bruit assourdissant. Des gerbes de feu et de lave sont propulsées d’un oeil cyclopéen, avec une violence inouïe dans le ciel. La lave incandescente retombe alors sur le sol sous forme de braises. Plus loin, telles les bouches de l’enfer, le gaz s’échappe en colonnes pressurisées dans un chuintement de feu de Bengale.

 

Puis vers 21h30, nos pas s’enfoncent dans la cendre en soulevant autour de nous un nuage de poussière, sonnant le signal du départ. Le vent qui commence à souffler avec violence nous fouette le visage. Les lumières blafardes des frontales se suivent en longue files indiennes alors que nous dégringolons avec célérité sur le flanc tendre du Stromboli.

     Au petit matin, les volets claquent sur les carreaux… hum, cela n’annonce rien de bon. Nous. Nous levons tout de même sans hâte, afin d’aller attraper le premier ferry, qui finalement sera annulé, puis tous les autres dans la journée.

Pourtant, sur les pentes de l’Etna, nous sommes attendus. Impossible pourtant de quitter l’île.

Pour passer le temps, nous partons en direction du belvédère qui donne à voir la sciera del fuoco, ce flanc béant, raide et dénudée sur laquelle le trop-plein de magma en fusion, projeté hors du cratère coule en direction de la mer dans une nuée de fines poussières laviques que le vent disperse sur les pentes du volcan.

 

En fin de journée, alors que la compagnie Liberty lines nous a annoncé l’annulation de l’ensemble de sa desserte journalière, un ferry est annoncé pour Milazzo une demi-heure plus tard, alors même que nous avons réservé une deuxième nuit à l’hôtel…

JOUR 5     16.04.18

Etna

     L’Etna. Ce volcan de 3300 m d’altitude attire tous les fantasmes depuis la nuit des temps. L’homme est toujours dans une relation ambiguë vis à vis de ce qu’il ne peut contrôler.

D’une hydre au souffle brûlant, il en a fait le dragon du château de la Belle au bois dormant, enchaîné par une hideuse piste à 4x4 qui lui balafre le flanc et corseté d’un réseau de remontées mécaniques d’allure post-soviétique plus ou moins prises dans la rouille.

L’homme a su tirer profit de la magie de cette montagne, citadelle de feu et de roches du Sud de l’Europe. Une télécabine déverse son flot de touristes, équipés pour certains comme s’ils déambulaient sur la Promenade des Anglais, à 2500m. Puis, des minibus tout-terrain prennent le relais pour hisser jusqu’à 2900m la horde. Pour certains, le chemin se poursuivra jusqu’aux cratères sommitaux après une randonnée de quelques heures et 400 m de dénivelé accompagnés d’un guide et délestés de 64€...

 

Mais aujourd’hui, le volcan est capricieux. Il projette son panache de fumée avec force et violence et défend ainsi ses atours. Il n’est donc possible de monter jusqu’au trident sommital.

Nous devons nous faire une raison.

Refusant de céder aux sirènes de la marchandisation de la montagne, nous partons en direction de Torre del Filosofo (2920m), ruines d’un ancien refuge englouti en 2002 lors d’un accès de rage de l’Etna. Ce belvédère donnant sur les cratères, offre une vue admirable sur l’activité du volcan.

Nous dénichons une carte topographique de la zone dans une petite échoppe locale et prenons nos bâtons de pèlerin depuis le refugio Sapienza (1910m) en direction dans un premier temps de la gare d’arrivée de la télécabine située à 2500m.

Cratère de 2003 Etna
Ascension de l'Etna
L'Etna (Sicile)
Cratère enneigé - Etna (Sicile)

La fin de la journée se passe calmement à flâner dans les rues de Zafferana Etna, paisible village à l’ombre de son puissant et menaçant voisin (la bourgade a d’ailleurs été gravement menacée par l’éruption de 1992-1993) où l’on produit d’excellents miels aux variétés peu communes telles la pistache, le citron ou encore l’oranger. 35% de la production italienne de ce nectar provient d’ailleurs des environs de Zafferana.

Nous cheminons au milieu de champs de lave plus ou moins anciens. Les derniers datent seulement de quelques mois (au niveau du terminus de la piste routière).

 

Noir, la couleur du jour. Tel un tableau de Soulages ou Pollock, les pentes sont jonchées de myriades de particules élémentaires de roche, semblables à des tesselles tout en nuances de gris. Le volcan laisse voir notre planète à coeur ouvert. Depuis l’âge des hommes, de manière presque ininterrompue des cratères apparaissent de ci, de là et vomissent plus ou moins longuement des torrents en fusion qui emportent tout sur leur passage et cisaillent à la serpe les paysages qu’ils transforment en chaos de basalte. On ne peut-être que fasciné, songeur face à cette force brute, bestiale.

Comment ne pas voir ressurgir des images de l’enfer de Dante ? Ici nulle vie ne peut subsister dans ce sol stérile et où la chaleur affleure.

L’industrie du ski semble d’ailleurs bien frêle et fragile face au géant qui dans un accès de colère peut ravager d’un coup de pâte les installations, comme ce fut le cas en 2003 à Piano Provenzana sur le versant Nord.

 

Après 1h30 à crapahuter dans la pente nous atteignons la gare de la télécabine. Les premiers  lambeaux du manteau neigeux se montrent alors apportant une touche de douceur à ce décor très brut. Nous poursuivons notre ascension en prenant soin de nous éloigner le plus possible de la piste à 4x4. Quelle hérésie que ces engins qui massacrent le site...

La neige se fait plus présente mais bien souvent les poussières volcaniques l’on recouvert donnant à voir d’étranges formes de glace noire semblable à des pénitents en robe de bure. Quand le feu et la glace se rencontrent !

Nous longeons alors les cratères de l’éruption de 2003 sur le versant Sud avant d’atteindre Torre del Filosofo d’où nous observons les quatre principaux cratères de l’Etna, la Bocca di Nord-est, le Voragine, la Bocca Nuova et le Cratere Sud-Est dont l’activité est incessante depuis 2013. D’énormes volutes de fumées cendrées s’élèvent sans interruption de la cime située 400m au dessus de nos têtes, témoignages de l’activité de poches de gaz et de roches liquéfiés se frayant à grands coups de boutoir des chemins pour exploser dans l’atmosphère.

Nous effectuons le tour de l’un des petits cratères témoins des premières éruptions du XXIe s tout en gardant un oeil fasciné vers ces vomissements de scories, de cendres et autres jets de vapeur. Puis en partie dépité de ne pouvoir poursuivre plus loin, nous reprenons le chemin du refuge Sapienza sans avoir auparavant jeté un oeil sur la Valle del Bove, cette immense dépression provoquée par l’effondrement d’un cône volcanique il y a plusieurs milliers d’années. Ce désert de lave et de tuf, hérissé de murailles naturelles de près de 1000m de haut, s’étend sur 10km de long sur 5 de large. Il constitue bien souvent le réceptacle des grandes coulées de lave qui parcourent les pentes du volcan.

JOUR 6     17.04.18

Taormina - Etna

Notre journée se décompose aujourd’hui en deux temps. Le matin nous partons découvrir la cité grecque de Taormine avec son célèbre théâtre antique. La ville n’est pas dénuée de charme. En effet, elle domine de plus de 200 m la Méditerranée et l’on s’égare avec Maupassant dans « une profusion de couleurs, de terrasses fleuries, jardins suspendus et autres vergers d’orangers parfumés. » Clou du spectacle, la magnificence du site est rehaussée par le contraste entre le bleu émeraude de la mer Ionienne et le noir de jais de l’Etna qui dessine ses formes à l’horizon dans un sfumato vincien.

 

Le théâtre grec fut érigé au IIIe s av J.C et fortement remanié en l’an I par les Romains avec l’ajout notamment d’un mur de scène occultant la vue grandiose.

Théâtre antique Taormine (Sicile)
Théâtre antique Taormine (Sicile)

   Etna fumeux, colonne du ciel, éternelle nourrice de la neige scintillante, dont les moindres recoins donnent naissance à des sources très pures d’un horrible feu. "

Pindare, Vème siècle avant J.-C.

Théâtre antique Taormine (Sicile)
Théâtre antique Taormine (Sicile)
Taormina (Sicile)

Puis, nous faisons route ensuite vers Piano Provenzana sur le versant Nord de l’Etna via la route de Mareneve qui traverse plusieurs filons de lave pétrifiés. Ce versant contraste véritablement avec celui que nous avons parcouru la veille. On pourrait se croire dans les Alpes du Sud avec ses forêts de pins et de genêts.

L’arrivée à la station sonne le glas de cette vision bucolique. Ici règne la loi du chaos. Le paysage porte les stigmates de la fureur de la forge d’Hephaïstos.

En effet, dans la nuit du samedi 26 et du dimanche 27 octobre 2002, le versant nord de Linguaglossa est touché par une violente activité paroxystique du volcan. Les structures touristiques de Piano Provenzana sont totalement recouvertes par des coulées de lave et une partie de la séculaire pinède de Ragabo réduite en cendres.

Aujourd’hui, même si les remontées mécaniques ont été reconstruites, les torrents de basalte figés crèvent toujours l’écran avec leurs arbres fantômes piégés en leur sein. Un paysage de désolation... Les nuages bas et la fine bruine qui engloutissent les vallonnements rehaussent l’atmosphère angoissante des lieux. Faute de visibilité, nous n’effectuons qu’une courte balade avant de rentrer. 

JOUR 7     18.04.18

Zafferana Etnea - Cefalù - Palerme

Céfalù

Comme tous les voyages, il y a toujours un début et une fin. On peut toujours s’enivrer de la mer, des embruns ou de ce ciel d’azur mais rien ni fait. Le temps coule, file devrait-on dire. L’ailleurs n’est qu’éphémère, fugace. Il s’échappe entre vos doigts. C’est à la fois frustrant mais c’est également cela qui fait le sel des voyages cette volonté de se confronté à l’altérité pour mieux y revenir.

Pour notre dernière journée en terre sicilienne nous avions opté pour l’ascension du Pizzo Carbonara (1979 m), preuve que nous n’avions toujours pas d’indigestion des montagnes à la sauce palermitaine. Loin sans faux, nous comptions bien découvrir le deuxième sommet de l’île italienne situé au coeur du massif des Madonie. Malheureusement, le temps est annoncé orageux et ne laisse que présager au mieux un ciel très chargé, au pire de belles averses… Rien de très engageant en somme. Nous optons donc pour une pause culturelle en deux temps, afin de parfaire nos connaissances de la Sicile normande. Direction donc Céfalù et sa célèbre cathédrale classée au patrimoine mondiale. La cité est très agréable à la morte saison. Nous flânons avec délice dans ses petites rues pavées moyen-âgeuses au façades pastels dominées par l’imposante masse de la Rocca, l’acropole antique et sur le lungomare afin de contempler la mer Tyrrhénienne et les lavoirs médiévaux, avant de nous engouffrer dans la nef de la cathédrale pour contempler ses somptueuses mosaïques.

Puis, nous faisons cap vers Palerme pour visiter le palais des rois Normands et l’inégalable chapelle palatine, symbole du rayonnement du royaume du Soleil sur la Méditerranée au XIIe s comme le rappelle certaines mosaïques du chef-d’oeuvre byzantin.. Du Christ pantocrator de Monreale à celui de la Capella palatina, nous achevons le cercle d’or du syncrétisme sicilien qui constitue l’un des traits prégnant de l’identité de l’île aux volcans.

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