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Castor (4226 m)

    △ Mont Rose, Val d'Aoste/VALAIS - Italie/Suisse
                                                                                                                         

Samedi 13 et dimanche 14 juillet 2019

- Voie normale par le Felikjoch -
Castor par la Terre vue des Cimes

Un petit tour des lieux.... avant de partir en course.



     Castor et son jumeaux Pollux (qui lui rend tout de même presque 200 m) sont deux beaux cônes en glacés, harmonieux dominants la vallée très sauvage et préservée du Val d'Ayas. Le Castor a été gravit pour la première fois le 23 août 1861 par Frederick W. Jacomb et William Mathews avec l'aide du guide chamoniard Michel Croz.

  

Carnet de course.



    Cela fait deux ans que nous ne sommes pas remontés à 4000 m dans les Alpes. Une éternité semble-t-il. Il faut dire qu’entre temps, nombre de choses se sont passées. Notre copain Vincent a eu une rupture du talon d’Achille et nous avons eu un petit Victor, ce qui n’était pas, vous nous l’accorderez, très conciliable avec la pratique de l’alpinisme. La saison estivale dernière n’a donc pas été très propice aux courses d’envergure. Malgré tout nous avons continué à pratiquer la montagne mais avec moins d’intensité dans nos choix de sorties.

L’éther des cimes étant une drogue et tout particulièrement à 4000, nous décidons de renouer avec notre projet de la ronde des 4000. Naturellement notre choix c’est porté sur le Castor, ayant particulièrement apprécié la vallée du Lys lors de notre ascension de la Punta Gnifetti. De plus, lors de sa blessure j’avais promis à Vincent que pour renouer avec l’alpinisme, nous irions réaliser ce sommet.
Direction donc le Val d’Aoste pour un beau week-end du 14 juillet au delà des cimes !

Retour à Staffal aux confins de la vallée du Lys, sous les augures imposantes du Lyskamm et du massif du Mont-Rose. Nous embarquons dans le téléphérique pour Sant’Anna, puis à bord d’un télésiège à bulles pour rejoindre le col de Bettaforca ou  de Bätt, en titsch gressonard, la langue germanique walser de la haute-vallée du Lys. Ce dernier culmine à 2727 m et permet de passer du Val d’Ayas au Val de Gressoney.

Vue sur le Lyskamm et le glacier du Lys depuis Sant'Anna.
Lyskamm au dessus du col de Bettaforce (Val d'Aoste)
Passo della Bettolina superiore

La montée au refuge Quintino Sella al Felik (à ne pas confondre avec son homonyme du Viso) est réputée pour être de toute beauté.
Après l’arrivée du télésiège elle emprunte l’itinéraire n°9 et ne présente pas de difficultés particulières empruntant sentiers, passages dans des pierriers et autres névés. De part et d’autre de magnifiques perspectives sur le massif du mont Rose, le sauvage val d’Ayas, mais aussi les massifs du Grand Paradis, du Mont-Blanc et parfois jouant à cache-cache, le Cervin qui vous regarde d’un air goguenard.

Puis, la pente se raidit sérieusement pour aborder une arête avec quelques passages aériens qui se passent sans encombre. En effet, le sentier est très bien équipé : main courante, marche et même petit pont !

Au bout de la crête, au tout dernier moment, le refuge Quintino Sella (3585m) se découvre.
La cabane est construite sur un petit promontoire rocheux au pied du glacier du Felik.
Il s’agit d’une grande bâtisse de 142 places en bois lamellaire datant de 1982.

Tout autour, de vastes pentes englacées mènent à une couronne souveraine de 4000. Un îlot au coeur d’une immensité glaciaire d’une beauté ineffable.

Nous logeons dans l’ancien refuge situé derrière le bâtiment moderne. Il s’agit d’un refuge à l’ancienne avec des bas-flancs alignés sur deux étages. L’humidité est bien présente dans les murs et les couvertures isolent mal du froid.

Comme tous les refuges de haute-altitude, il est parfois complexe de pouvoir trouver de la place pour se détendre. Le gardien effectue deux tours pour la restauration du soir et les abords du refuge et le froid ne permettent pas de rester à proximité du bâtiment. En attendant 20h, nous nous allongeons dans notre manette.

Au moment du repas, quel n’est pas notre surprise de voir arriver des couverts jetables en plastique, puis des assiettes et l’ensemble du matériel de restauration. Incrédules, abasourdis par une telle vision dans un lieu qui devrait inciter à minimiser les déchets pour protéger cet environnement si fragile. Les refuges ne sont-ils pas les sentinelles du changement global ?
La gentillesse de toute l’équipe ne saura nous enlever ce goût saumâtre de la bouche, d’autant que la quantité et la qualité du repas seront bien loin de nous contenter au regard des 65 euros que nous avons versé pour la demi-pension.

 

La nuit, agitée, bruyante et froide ne nous laissera pas également un souvenir mémorable.
Qu’importe à 4h, des loupiotes qui s’allument, des chuchotements, des bruits de sac que l’on fouille, nous sommes sur le pont afin de nous préparer. Malheureusement, la surfréquentation du lieu et le fait que nombre de néophytes viennent s’essayer à l’alpinisme nous ferons prendre beaucoup de retard pour déjeuner et nous équiper désespérant encore un peu plus Lucile et Sophie.

Vers 5h45, nous commençons à remonter calmement, tranquillement le ghiacciaio di Felik. Le blanc de procelaine est parcouru d’une procession de fourmis qui remonte en direction de la Punta Felik.
Certains, alors même qu’ils sont premiers de cordée nous semblent devoir s’employer pour passer dès que la pente se redresse un peu. D’autres ne gèrent pas du tout leur longueur de corde. C’est dans un tohu-bohu invraisemblable que nous abordons l’arête faitière sommitale. Cela se pousse, ne respecte pas les priorités de montée, s’accroupit au milieu de l'arête. Nous n’avons jamais connu en montagne un lieu où l’esprit de solidarité, de respect et d’entre-aide entre gens de montagne est aussi peu présent. Pierre-Antoine le constatera une nouvelle fois à la descente à ses dépends en se faisant marcher sur une main dans les passages câblés permettant la redescende du refuge.

Heureusement, le spectacle est là, grandiose, d’une pureté sans égale. Un trait cristallin fendant l’azur d’un seul jet. On danse en plein ciel, à califourchon sur la frontière italo-suisse à plus de 4000 m. Un muret de glace longe parfois la croupe et permet de prendre appui avec le piolet. Des vents tournoyants semblent pulvériser la neige alentour et projettent parfois de manière cinglante des cristaux de glace avec une rare violence. Nous remontons l’arête lentement, devant laisser passer les nombreuses cordées qui redescendent avec parfois la nécessité de s’arrêter de nombreuses minutes dans le froid mordant que le soleil pourtant luisant, ne parvient pas à faire taire.
Au sommet, un buste du défunt pape Jean-Paul II veille sur les alpinistes qui ont fait le déplacement jusqu’à lui avec un sourire de béatitudes. Le vent froid nous pousse à rapidement reprendre le chemin de Quintino Sella, mais quelle vue ! Mont-Blanc, Grand Paradis, Cervin, Grand Combin, Breithorn, mont-Rose et même au loin, le Viso, totem des Alpes du Sud. Notre cheminement retour sera d’autant plus appréciable que les encombrements de la montée ont disparu. Il ne reste plus que la montagne et nous dans un silence rédempteur assourdissant, quelque part entre ciel et glace.

Arête du Castor (Mont-Rose)
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